La rupture en quelques chiffres
Préambule :
Les sujets traités sur ce site sont sensibles et les statistiques qui se réfèrent aux ruptures qu’elles soient familiales ou institutionnelles le sont tout autant. Nous voulons attirer votre attention sur le fait que les chiffres que vous y découvrirez sont le reflet de notre regard particulier en tant qu’unique AMO 24h/24 en région bruxelloise. Notre observation s’opère sur un terrain tout aussi spécifique : celui de l’accueil de crise non-mandaté d’adolescents en rupture avec leur milieu de vie en Fédération Wallonie-Bruxelles.
Dans cette seule section chiffrée du site, nous allons aborder des données quantitatives relatives à l’année 2015 qui concernent 4 domaines :
• notre public cible :
• notre observation des ruptures familiales :
• notre observation des ruptures institutionnelles :
• notre activité d’accueil de nuit :
Public cible :
Public cible :
Contrairement à certaines idées reçues, les phénomènes de rupture (familiale et institutionnelle) concernent presque autant de filles (47%) que de garçons (53%).
Cette proportion nous indique que la question du lien est universelle. De ce fait, elle touche chaque genre de manière presque indistincte. Pour les adolescents en souffrance, répondre à cette question prend souvent la forme d’un test du lien jusqu’à vouloir ou devoir le rompre tant les relations sont tendues.
Cependant, comme vous le constaterez plus loin, les stratégies (fugue et exclusion) de chaque genre pour rompre peuvent varier.
Toutes les tranches d’âges, qu’il s’agisse de préadolescents ou d’adolescents, sont concernées par les ruptures !
Ces chiffres nous montrent que chaque histoire est unique, chaque parcours singulier et qu’il n’y a pas d’âge pour vivre une rupture avec son milieu de vie. Les réactions émotionnelles de ces adolescents, à la personnalité affirmée ou pas, sont à la fois fonction d’un contexte familial, d’un environnement social, lui-même inscrit dans une époque donnée.
Les jeunes que nous croisons viennent de partout !
Il est normal de constater que la majorité d’entre eux (61%) provient des 19 communes de la Région Bruxelles-Capitale où notre association est située. Nous remarquons également que les provinces francophones nous contactent fréquemment puisque 1 situation sur 5 en est issue. Les demandes émanant des provinces sont très fréquemment à l’initiative des services d’Aide ou de Protection de la Jeunesse qui, faute d’espace d’accueil du même type en région wallonne, se trouvent contraints de faire appel à nous. Il n’existe qu’un seul service similaire en Wallonie : Point Jaune à Charleroi. Vient ensuite une population de mineurs étrangers non-accompagnés (17%) qui arrive sur le sol belge et cherche un endroit où pouvoir se poser, prendre conscience de ses droits et choisir de lancer ou non une procédure de régularisation en Belgique. Une dernière frange de la population tape à notre porte de manière plus modeste mais constante (2%). Il s’agit de jeunes venant d’autres pays de l’Union Européenne qui ont entrepris un voyage de rupture transnational.
Rupture familiale :
A SOS Jeunes-Quartier Libre, les situations de rupture familiale représente 52% des situations rencontrées en 2015 au sein de l’Accueil 24h/24. On y constate que 73% ont connu au moins une fois une rupture avec leur famille mais aussi que ces jeunes peuvent faire l’objet au moins une fois une rupture avec leurs famille mais aussi que ces jeunes peuvent faire l’objet de rupture multiples : un jeune fugueur peut aussi avoir connu l’exclusion et vice versa.
Toutes les structures familiales peuvent être touchées par les ruptures !
Dans les sociétés, il existe une grande diversité de structures familiales et aucune n’échappe à la question des ruptures de liens. Comme vous le voyez sur le graphique, toutes les structures y sont représentées et le couple parental (traditionnel) y occupe une place majoritaire. Viennent ensuite (dans l’ordre), les mères seules, les familles recomposées par la mère, puis celles initiées par le père et les pères seuls. Il est à souligner que si les pères sont peu représentés, c’est parce qu’en cas de séparation, ce sont souvent les femmes qui s’occupent de l’éducation des enfants.
En 2015, lorsque l’on interroge les jeunes rencontrés sur leur parcours, on se rend compte que 73 % d’entre eux ont connu au moins une rupture (voire plus) :
• 63% ont connu au moins une fugue familiale ;
• 54% ont connu au moins une exclusion familiale.
Intéressons-nous à la question du genre et plus particulièrement à la proportion de garçons et de filles qui fuguent du milieu familial.
Maintenant, observons les proportions de garçons et de filles exclus de leur famille.
Comme vous le voyez dans ces deux graphiques, nous remarquons que la proportion d’exclusion est la même que celle des fugues pour les garçons : 59% d’entre eux ont fugué au moins une fois de leur domicile et 59% ont été exclus au moins une fois de leur famille. Pour les filles, les statistiques montrent que 68% d’entre elles ont fugué au moins une fois et 49% ont été exclues au moins une fois.
• Hypothèse :
Ces chiffres nous amènent à poser l’hypothèse que les garçons ont plus tendance à aller au conflit et donc à être exclus tandis que les filles ont tendance à fuir les difficultés relationnelles en partant de leur plein gré.
Rupture institutionnelle :
Au sein de l’Accueil 24h/24 de SOS Jeunes - Quartier Libre, 48 % des situations rencontrées concernent des jeunes pour qui, à la rupture familiale, s’ajoute une rupture institutionnelle. 64% de ces adolescents ont fugué et 62 % ont été exclus au moins une fois de leur centre d’accueil. En d’autres termes, ils ont vécu une rupture avec leur milieu de vie de substitution. Tout comme pour la section précédente, nous constatons notamment que les jeunes peuvent faire l’objet de ruptures multiples : un jeune fugueur peut aussi avoir connu l’exclusion et vice versa.
Tout comme dans le cadre des ruptures familiales, les garçons ont tendance à faire plus souvent l’objet d’une exclusion (76%) mais une large proportion d’entre eux fugue également (68%). Les filles quant à elles fuguent plus qu’elles ne sont exclues (58% de fugueuses contre 43% d’exclues), ce qui nous ramène à l’hypothèse posée précédemment.
• Hypothèse :
Les garçons ont plus tendance à aller au conflit et donc à être exclus tandis que les filles ont tendance à fuir les difficultés relationnelles en partant de leur plein gré.
Activité d’accueil de nuit :
Dans cette section, nous abordons deux questions relatives à notre activité spécifique d’accueil de nuit. Cette activité constitue la porte d’entrée principale des accompagnements individuels que l’entité 24h/24 réalise. La première concerne le nombre nuitées acceptées durant l’année 2015. La seconde touche à la durée de notre intervention individuelle.
Concrètement, nous avons reçu 738 demandes d’hébergement. 284 d’entre elles ont abouti à un hébergement (38% des demandes). En moyenne chaque nuit, nous recevons 2 jeunes à l’hébergement. Cependant, il s’agit bien d’une moyenne qui ne reflète pas la réalité quotidienne de ces accueils tant le flux est irrégulier. De plus, lorsqu’une demande d’hébergement nous arrive, la première démarche que nous réalisons est de voir, dans la mesure du possible, avec le jeune et ses parents si d’autres solutions peuvent être dégagées par les acteurs eux-mêmes. Cette méthode fondée sur les ressources des acteurs permet que 30 % des demandes soient l’occasion d’une mobilisation du milieu de vie naturel. En parallèle, nous le regrettons mais il nous arrive trop souvent de devoir refuser des jeunes par manque de place (20%).
Même si les filles représentent 47 % du public en rupture, nous pouvons remarquer qu’elles sont moins fréquemment et moins longtemps hébergées que les garçons.
Pour la majorité des personnes (58%), notre accompagnement (moins d’1 mois) se construit autour d’une rupture momentanée où les acteurs que sont le jeune, sa famille et/ou les institutions demeurent impliqués. Ils cherchent ensemble à dégager des solutions durables. Dans ce cadre, nous travaillons à la remise en lien, à la réflexion et à la médiation entre les différentes parties.
Dans un second volet de notre travail, nous trouvons des personnes (18%) qui souhaitent un soutien inscrit dans le moyen terme (1 à 3 mois). Les acteurs formulent la demande d’un accompagnement, parfois ponctuel, face aux difficultés qu’ils rencontrent. Il peut s’agir notamment de familles qui souhaitent continuer un suivi pour diverses raisons, de jeunes qui participent à d’autres activités proposées par notre association ou qui simplement se posent des questions et souhaitent être informés, orientés, soutenus.
Un troisième et dernier volet de notre action d’accompagnement des personnes s’inscrit dans le moyen, voire le long terme, puisque 25 % de notre public demandent notre intervention durant une période allant de 3 mois à 1 an. Dans ce cadre, notre travail est souvent plus soutenu car le public concerné est fréquemment fragilisé par des ruptures multiples tant familiales qu’institutionnelles. En 2015, 15 % de ces adolescents en rupture vivent dans ce que nous appelons pudiquement la débrouille (squat, rue, chez un ami, …) sans pouvoir entrevoir de solution durable se profiler dans un avenir proche.
Pour conclure ce chapitre consacré aux statistiques propre à l’accueil 24h/24 de notre association, nous plaidons pour que les adultes tolèrent le processus naturel dans lesquels tous les adolescents s’inscrivent : celui de l’essai et de l’erreur. Malheureusement, nous constatons que ce droit à l’erreur n’est pas donné à tous les jeunes, en tout cas, pas de la même manière. Les jeunes en rupture, généralement fragilisés par celle-ci, vont rapidement être confrontés à des exigences accrues pour lesquelles ils n’auront pas ou peu le droit d’échouer : présence régulière à divers rendez-vous, respect du cadre, proactivité, démarches administratives, etc. Alors que la plupart des adolescents vont pouvoir rater une marche de temps à autre, descendre quelques échelons pour repartir de plus belle, les jeunes en rupture sont souvent contraints d’être à la hauteur des attentes des adultes autour d’eux qui, parfois, oublient que l’évolution, la maturation est un véritable cheminement supposant de chercher le terreau où l’on souhaite s’enraciner.