Retour de fugue
Bien que rassurant, le retour de fugue d’un enfant peut être un moment difficile à vivre. Après l’angoisse de la disparition apparaît souvent le stress du retour et les multiples questions qui l’entourent : pourquoi mon enfant est-il parti ? Comment éviter que cela se reproduise ? Qu’ai-je mal fait ? Que dois-je changer ?
La réintégration du foyer par l’enfant doit donc faire l’objet d’une discussion, voire d’un travail familial afin d’apaiser les esprits et prévenir les risques d’une nouvelle fugue.
Ce texte a pour but d’exposer les différentes réflexions et démarches à entreprendre lorsque l’enfant est rentré. De la gestion des émotions au désignalement auprès de la police, en passant par une discussion parfois compliquée mais nécessaire, il n’est pas simple de savoir où donner de la tête, quelle attitude adopter. Il n’existe malheureusement pas de recette miracle et ce texte ne prétend aucunement pouvoir solutionner les problèmes. Vous trouverez ici quelques conseils issus de notre expérience professionnelle qui, avec votre expertise et celle de votre enfant concernant la situation que vous vivez, peuvent vous aider à surmonter un peu plus facilement cette épreuve.
- Gérer ses émotions :
- Préparer la discussion :
- Et si avant de rentrer, il m’appelle ?
- Et après le retour ?
- Et si la discussion ne fonctionne pas ?
Gérer ses émotions
La fugue peut générer de très nombreuses émotions parfois contradictoires : angoisse, peur, colère, tristesse, … La disparition de l’enfant ayant généralement provoqué un sentiment d’incompréhension, d’impuissance ou encore l’impression que votre enfant défie votre autorité, le retour peut mener à une remise en question profonde de la cohérence familiale à l’œuvre jusque-là.
Tout cela est naturel au vu de ce que vous traversez et il est primordial d’en avoir conscience et d’en parler. En effet, le meilleur moyen de prévenir une nouvelle fugue est de renouer un dialogue constructif avec votre enfant. Pour cela, un certain « travail » doit être fait en amont permettant de prendre un peu de recul sur la situation vécue, les émotions ressenties et les questions générées par la fugue.
Voici quelques pistes pour vous aider :
- Parlez de ce que vous ressentez à une personne de confiance (votre conjoint(e), la famille, vos amis, …) ;
- Utilisez l’écrit ou une forme d’art (peinture, chant,…) si vous éprouvez des difficultés pour exprimer vos sentiments ;
- N’hésitez pas à demander du soutien à un service spécialisé ou à votre médecin généraliste ;
- Pratiquez un sport ou un loisir afin de décompresser, de penser à autre chose et revenir à vos réflexions avec un autre regard.
Il est fréquent de se remettre en question en tant que parent lors d’une fugue. Cependant, cela ne veut pas dire que tout doit être changé de manière radicale. Les causes de la fugue étant extrêmement nombreuses et variées, la remise en question doit être nuancée par les éléments extérieurs ayant pu influer sur le comportement de votre enfant.
Préparer la discussion
Comme dit précédemment, vous serez confronté à un panel d’émotions et il ne sera pas facile de ne pas être débordé par celles-ci. Si cela est vrai pour vous, cela l’est aussi pour votre enfant qui peut vivre son retour comme un échec, une capitulation mêlant la peur d’être confronté à vous et le soulagement d’être rentré.
Quoi qu’il en soit, l’important sera de renouer le dialogue, de tenter de comprendre les raisons de la fugue et d’envisager des solutions qui conviennent à tous.
Voici quelques pistes pouvant, nous l’espérons, vous aider dans cette construction de dialogue :
- Profitez de l’absence de votre enfant pour réfléchir au message qu’il tente d’envoyer, à ce que votre enfant pourrait amener pendant la discussion afin d’éviter d’être pris au dépourvu ou de lui faire des promesses que vous ne pourrez pas tenir ;
- Laissez-lui le temps de se « réinstaller » (remettre ses affaire dans sa chambre, …). Cela permettra à votre enfant de ne pas se sentir exclu de la famille malgré sa fugue. De plus, ce temps permettra à chacun de « réguler » la charge émotionnelle du retour ;
- Si les émotions sont trop fortes pour vous et/ou votre enfant, n’hésitez pas à postposer la discussion. Néanmoins, il est important que chacun sache qu’elle aura lieu sans quoi il y a un risque que votre enfant et/ou vous-même ayez le sentiment de ne pas avoir été entendu ;
- Décidez des « modalités » ensemble : choisissez un lieu où chacun se sent en sécurité et à l’aise. Ensuite déterminez qui participe à la discussion : vous et votre enfant ? Un parent seul et ensuite les deux ? Toute la famille ? Une personne extérieure neutre (membre de la famille, travailleur social, …) ?
- Exprimez vos émotions sans être dans le reproche : pouvoir mettre des mots sur ses émotions permettra une discussion constructive. Néanmoins, l’effet inverse peut se produire si l’un ou l’autre a le sentiment d’être jugé coupable. Afin d’éviter cela, privilégiez un discours en « je » plutôt qu’en « tu ».
Par exemple, au lieu de « tu m’as fait peur », dites plutôt « j’ai eu peur qu’il t’arrive quelque chose » ; - La posture de parent est une recherche constante d’équilibre entre souplesse et sévérité. Cet équilibre, difficile à trouver dans la vie de tous les jours, l’est plus encore dans ce contexte émotionnellement chargé. Cependant, lors d’un retour de fugue, il est important de le maintenir afin de pouvoir être en empathie avec votre enfant tout en fixant, en négociation avec votre enfant éventuellement, un cadre clair ;
- Si l’une des raisons de la fugue touche au cadre et aux règles de la maison, réfléchissez à ce que vous pouvez accepter de négocier (négocier ne veut pas dire tout accepter). Ensuite, discutez-en avec votre enfant afin de trouver des compromis en vue de ramener une certaine sérénité au sein de la famille ;
- Cette discussion est un début de dialogue, tout ne doit pas nécessairement être réglé en une fois ;
- Si nécessaire, vous pouvez faire appel à un service d’aide aux jeunes et aux familles.
Et si avant de rentrer, il m’appelle ?
Il est possible que votre enfant vous contacte pendant sa fugue. En général, la première (seule ?) question qui survient à ce moment-là est le lieu où il se trouve. Il est intéressant de tenter de freiner cet instinct et lui demander plutôt s’il va bien et s’il est en sécurité. L’important est de rester en relation avec lui et vouloir à tout prix savoir où il est risque de rompre le dialogue.
Si votre enfant vous appelle, voici quelques points sur lesquels porter votre attention :
- Maintenez le contact et gardez votre sang-froid ;
- Parlez-lui vos émotions sans le faire culpabiliser ;
- Demandez-lui s’il est prêt à vous parler des raisons de sa fugue ;
- Si votre enfant vous dit qu’il ne souhaite pas rentrer, convenez de rendez-vous téléphoniques ;
- Proposez-lui une rencontre dans un lieu neutre :
S’il n’est pas prêt à rentrer, proposer une rencontre dans un lieu neutre (café, snack, …). Il est important d’y aller vous-même afin de garder sa confiance. Si après la rencontre, il refuse toujours de rentrer, partagez vos sentiments par rapport à cela. Rappelez-lui que, légalement vous êtes censé savoir où il se trouve. Si un signalement a été fait auprès de la police, vous devez pouvoir les avertir de l’endroit où il est afin de faire arrêter les recherches. Insistez sur le fait que vous voulez l’aider et le protéger et voyez avec lui s’il est envisageable de trouver un lieu sûr pour lui qui n’est pas la maison (famille élargie, ami, service d’hébergement) ;
Même si c’est difficile, ne le retenez pas de force, vous briseriez la confiance qu’il a en vous.
Et après le retour ?
Une fois votre enfant rentré à la maison, il est important d’en avertir la police afin de le « désignaler » et ainsi permettre l’arrêt des recherches. Il peut être intéressant d’aller au poste de police avec votre enfant pour symboliquement clôturer l’épisode.
Une fois cela fait, la vie reprend son cours. Il est nécessaire de maintenir le dialogue et d’évaluer de temps en temps les solutions trouvées après la fugue. Cela permet de voir si la situation convient à tout le monde. Néanmoins, il faut éviter de transformer la fugue en stigmate, de revenir sans cesse sur l’acte posé par crainte que cela se reproduise. Votre enfant a probablement tenté de vous faire parvenir un message à un moment donné. Si ce message a été entendu et que des choses ont été mises en place, lui rappeler sans cesse qu’un jour il a fugué risque de le frustrer inutilement.
Clôturer l’épisode de la fugue ne signifie pas de ne plus jamais en parler mais c’est s’assurer que ce n’est pas constamment une source de souffrance et/ou de reproches.
Et si la discussion ne fonctionne pas ?
Chaque situation étant particulière, il se peut qu’une discussion ne suffise pas. Parfois, il faut prendre plus de temps pour souffler et prendre du recul par rapport à la situation. Dans certains cas, il peut même être nécessaire de passer par une remise en lien par étapes.
Pour se faire, voici quelques pistes :
- Le réseau familial ou amical du jeune/des parents ;
- L’internat scolaire ;
- L’accueil temporaire en centre spécialisé pour jeunes, avec l’accord du jeune et des parents (Abaka, SOS Jeunes – Quartier Libre, Point Jaune, etc.) ;
- Un centre mandaté par le Service d’Aide à la Jeunesse ou le Tribunal de la Jeunesse ;
- Etc.
Ces différentes pistes permettent, entre autres, un écartement familial temporaire allant du très court terme (1 ou 2 nuits) au très long terme (certains placements peuvent durer plusieurs années). Si un écartement familial ne semble pas nécessaire, les pistes d’accueil temporaire à court terme peuvent être exploitées dans un objectif de médiation, de facilitation de la communication le temps que la situation s’arrange et que la vie de famille s’apaise.